Archives pour la catégorie Textes choisis

Quimper. A. Le Braz.

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Quimper

A André Bénac.

Ce qui me charme en toi, Quimper de Cornouailles,
C’est qu’une âme rustique imprègne ta cité,
Que les champs sont chez eux au coeur de tes murailles
Et que, né paysan, ton peuple l’est resté.

Tes rivières te font un collier de sonnailles
Et dans leurs reflets verts mirent le quai planté
Dont tes Nausicaas, blondes du blond des pailles,
Aspergent le granit d’eau vive et de gaîté.

Le soir, à l’heure intime et bleue où les toits fument,
Quand se tait l’angélus aux clochers qui s’embrument,
Un grêle biniou chevrote un air léger .

Et, sur le bord de l’ombre où se dissout la ville,
Le Mont Frugi s’accoude ainsi qu’un vieux berger
Qui rêve sous la lune à quelque jeune idylle.

 

Anatole LE BRAZ (1859-1926

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Baiser rose, baiser bleu. Th. Gautier

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Baiser rose, baiser bleu

 À table, l’autre jour, un réseau de guipure,
Comme un filet d’argent sur un marbre jeté,
De votre sein, voilant à demi la beauté,
Montrait, sous sa blancheur, une blancheur plus pure..

Vous trôniez parmi nous, radieuse figure,
Et le baiser du soir, d’un faible azur teinté,
Comme au contour d’un fruit la fleur du velouté,
Glissait sur votre épaule en mince découpure.

Mais la lampe allumée et se mêlant au jeu,
Posait un baiser rose auprès du baiser bleu :
Tel brille au clair de lune un feu dans de l’albâtre.

À ce charmant tableau, je me disais, rêveur,
Jaloux du reflet rose et du reflet bleuâtre :
 » Ô trop heureux reflets, s’ils savaient leur bonheur ! «  

 

 

Théophile GAUTIER (1811-1872)

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Lever d’aube. Anatole le Braz.

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Lever d’aube.

Drapée en sa cape de veuve,

S’efface à pas discrets la nuit

Voici poindre la clarté neuve

de l’aube qui s’épanouit.

Elle promène sur les choses
Son beau regard silencieux
Et la mer se jonche de roses
Sous la caresse de ses yeux.

Pour son adorable venue
Le désert du ciel s’est paré…
Salut, déesse chaste et nue,
Fille de l’Orient sacré !

Et soudain tout vit. Les nuages
Tendent leurs voiles au vent frais ;
L’allègre chanson des voyages
Se réveille dans leurs agrès.

Et la pensée au coeur de flamme,
Soeur pure de l’aube qui luit,
Erige, comme elle, dans l’âme
Son front clair, vainqueur de la nuit. 

Anatole le Braz (1859-1926)

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La Limoise Pierre Loti.

 

La Limoise est à Échillais près de Rochefort,  propriété des Duplais, amis de la famille Viaud.

Pendant une dizaine d’année (Le Roman d’un enfant s’arrête aux débuts de l’adolescence), le petit Julien -futur Pierre Loti- s’y rend tous les mercredis soirs pour y passer ses jeudis d’écolier.

Sources :  http://www.terresdecrivains.com/article.php3?id_article=113

                  http://gallica.bnf.fr/

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« Je crois que l’ impression suivante fut celle-ci,
que je vais essayer de traduire : impression d’ été,
de grand soleil, de nature, et de terreur délicieuse
à me trouver seul au milieu de hautes herbes de
juin qui dépassaient mon front. Mais ici les
dessous sont encore plus compliqués, plus mêlés de
choses antérieures à mon existence présente ; je
sens que je vais me perdre là dedans, sans parvenir
à rien exprimer… c’ était dans un domaine de campagne appelé  » la
Limoise  » , qui a joué plus tard un grand rôle
dans ma vie d’ enfant. Il appartenait à de très
anciens amis de ma famille, les D, qui, en ville,
étaient nos voisins, leur maison touchant presque
la nôtre. Peut-être, l’ été précédent, étais-je déjà
venu à cette Limoise, -mais à l’ état inconscient
de poupée blanche que l’ on avait apportée au cou.
Ce jour dont je vais parler était certainement le
premier où j’ y venais comme petit être capable de
pensée, de tristesse et de rêve.
J’ ai oublié le commencement, le départ, la route
en voiture, l’ arrivée. Mais, par un après-midi très
chaud, le soleil déjà bas, je me revois et me
retrouve si bien, seul au fond du vieux jardin
à l’ abandon, que des murs gris, rongés de lierre et
de lichen, séparaient des bois, des landes à
bruyères, des campagnes pierreuses d’ alentour. Pour
moi, élevé à la ville, ce jardin très grand, qu’ on
n’ entretenait guère et où les arbres fruitiers
mouraient de vieillesse, enfermait des surprises et
des mystères de forêt vierge. Ayant sans doute
franchi les buis de bordure, je m’ étais perdu au
milieu d’ un des grands carrés incultes du fond,
parmi je ne sais quelles hautes plantes folles, -des
asperges montées, je crois bien, -envahies par de
longues herbes sauvages. Puis je m’ étais accroupi, à la
façon de tous les petits enfants, pour m’ enfouir
davantage dans tout cela qui me dépassait déjà
grandement quand j’ étais debout. Et je restais
tranquille, les yeux dilatés, l’ esprit en éveil,
à la fois effrayé et charmé. Ce que j’ éprouvais,
en présence de ces choses nouvelles, était encore
moins de l’ étonnement que du ressouvenir ; la
splendeur des plantes vertes, qui m’ enlaçait de si
près, je savais qu’ elle était partout, jusque
dans les profondeurs jamais vues de la campagne ;
je la sentais autour de moi, triste et immense,
déjà vaguement connue ; elle me faisait peur, mais
elle m’ attirait cependant, -et, pour rester là
le plus longtemps possible sans qu’ on vînt me
chercher, je me cachais encore davantage,
ayant pris sans doute l’ expression de figure d’ un
petit peau-rouge dans la joie de ses forêts
retrouvées.
Mais tout à coup je m’ entendis appeler :  » Pierre !
Pierre ! Mon petit Pierrot !  » et sans répondre, je
m’ aplatis bien vite au ras du sol, sous les herbages
et les fines branches fenouillées des asperges.
Encore :  » Pierre ! Pierre !  » c’ était Lucette ; je
reconnaissais bien sa voix, et même, à son petit ton
moqueur, je comprenais qu’ elle me voyait dans ma
cache verte. Mais je ne la voyais point, moi ;
j’ avais beau regarder de tous les côtés : personne !

Avec des éclats de rire, elle continuait de
m’ appeler, en se faisant des voix de plus en plus
drôles. Où donc pouvait-elle bien être ?
Ah ! Là-bas, en l’ air ! Perchée sur la fourche
d’ un arbre tout tordu, qui avait comme des cheveux
gris en lichen.
Je me relevai alors, très attrapé d’ avoir été ainsi
découvert.
Et en me relevant, j’ aperçus au loin, par-dessus
le fouillis des plantes agrestes, un coin des vieux
murs couronnés de lierre qui enfermaient le jardin.
(ils étaient destinés à me devenir très familiers
plus tard, ces murs-là ; car, pendant mes jeudis
de collège, j’ y ai passé bien des heures, perché,
observant la campagne pastorale et tranquille, et
rêvant, au bruit des sauterelles, à des sites
encore plus ensoleillés de pays lointains.) et ce
jour-là, leurs pierres grises, disjointes, mangées
de soleil, mouchetées de lichen, me donnèrent pour
la première fois de ma vie l’ impression mal définie
de la vétusté des choses ; la vague conception
des durées antérieures à moi-même, du temps passé.
Lucette D, mon aînée de huit ou neuf ans,
était déjà presque une grande personne à mes yeux :
je ne pouvais pas la connaître depuis bien
longtemps, mais je la connaissais depuis tout le
temps possible. Un peu plus tard, je l’ ai aimée comme
une soeur ; puis sa mort prématurée a été un de
mes premiers vrais chagrins de petit garçon.

Et c’ est le premier souvenir que je retrouve d’ elle,
son apparition dans les branches d’ un vieux poirier.
Encore ne s’ est-il fixé ainsi qu’ à la faveur de ces
deux sentiments tout nouveaux auxquels il s’ est
trouvé mêlé : l’ inquiétude charmée devant
l’ envahissante nature verte et la mélancolie
rêveuse en présence des vieux murs, des choses
anciennes, du vieux temps… »

Pierre Loti extraits du Roman d’un enfant.

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Pierre Loti et Rochefort 2

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La cour de la Maison de Loti à Rochefort.

Au cours de ma vie, j’ aurais donc été moins
impressionné sans doute par la fantasmagorie
changeante du monde, si je n’ avais commencé l’ étape
dans un milieu presque incolore, dans le coin le plus
tranquille de la plus ordinaire des petites villes :
recevant une éducation austèrement religieuse ;
bornant mes plus grands voyages à ces bois de la
Limoise, qui me semblaient profonds comme les
forêts primitives, ou bien à ces plages de
l’  » île  » , qui me mettaient un peu d’ immensité dans
les yeux lors de mes visites à mes vieilles tantes
de Saint-Pierre-d’ Oleron.
C’ était surtout dans la cour de notre maison que
se passait le plus clair de mes étés ; il me
semblait que ce fût là mon principal domaine, et je
l’ adorais…
bien jolie, il est vrai, cette cour ; plus ensoleillée
et aérée, et fleurie que la plupart des jardins de
ville. Sorte de longue avenue de branches vertes et
de fleurs, bordée au midi par de vieux petits murs
bas d’ où retombaient des rosiers, des chèvrefeuilles,
et que dépassaient des têtes d’ arbres fruitiers du
voisinage. Longue avenue très fleurie donnant des
illusions de profondeur, elle s’ en allait en
perspective fuyante, sous des berceaux de vigne et de
jasmin, jusqu’ à un recoin qui s’ élargissait comme
un grand salon de verdure, -puis elle finissait à
un chai, de construction très ancienne, dont les
pierres grises disparaissaient sous des treilles et du lierre.
 
Oh ! Que je l’ ai aimée, cette cour, et que je l’ aime
encore !
Les plus pénétrants premiers souvenirs que j’ en
aie gardés, sont, je crois, ceux des belles soirées
longues de l’ été. -oh ! Revenir de la promenade,
le soir, à ces crépuscules chauds et limpides qui
étaient certainement bien plus délicieux alors
qu’ aujourd’ hui ; rentrer dans cette cour, que les
daturas, les chèvrefeuilles remplissaient des plus
suaves odeurs, et, en arrivant, apercevoir dès la
porte toute cette longue enfilade de branches
retombantes ! …
par-dessous un premier berceau, de jasmin de la
Virginie, une trouée dans la verdure laissait
paraître un coin encore lumineux du rouge couchant.
Et, tout au fond, parmi les masses déjà assombries
des feuillages, on distinguait trois ou quatre
personnes bien tranquillement assises sur des
chaises ; -des personnes en robe noire, il est vrai,
et immobiles-mais très rassurantes quand même,
très connues, très aimées : mère, grand’ mère et
tantes. Alors je prenais ma course pour aller me
jeter sur leurs genoux, -et c’ était un des
instants les plus amusants de ma journée.

Extrait du Roman d’un enfant de Pierre Loti.

Sources : http://gallica.bnf.fr/

Pierre Loti et Rochefort. 1

Pierre Loti et Rochefort. 1 dans Textes choisis 11b

 Rochefort est la ville natale de Pierre Loti et le Roman d’un  enfant est en grande partie consacrée à la région de Rochefort, le Château de La Roche Courbon, l’Ile d’oleron où sa mère était née, La Limoise lieu qu’il a beaucoup fréquenté.

J’ai choisi un extrait où Loti découvre pour la première fois la mer. 

Extrait du Roman d’un enfant

« Je voudrais essayer de dire maintenant l’ impression
que la mer m’ a causée, lors de notre première
entrevue, -qui fut un bref et lugubre tête-à-tête.
Par exception, celle-ci est une impression
crépusculaire ; on y voyait à peine, et cependant
l’ image apparue fut si intense qu’ elle se grava
d’ un seul coup pour jamais. Et j’ éprouve encore un
frisson rétrospectif, dès que je concentre mon
esprit sur ce souvenir.
J’ étais arrivé le soir, avec mes parents, dans un
village de la côte saintongeaise, dans une maison
de pêcheurs louée pour la saison des bains. Je
savais que nous étions venus là pour une chose qui
s’ appelait la mer, mais je ne l’ avais pas encore vue

(une ligne de dunes me la cachait, à cause de ma
très petite taille) et j’ étais dans une extrême
impatience de la connaître. Après le dîner donc, à
la tombée de la nuit, je m’ échappai seul dehors.
L’ air vif, âpre, sentait je ne sais quoi d’ inconnu,
et un bruit singulier, à la fois faible et immense,
se faisait derrière les petites montagnes de sable
auxquelles un sentier conduisait.
Tout m’ effrayait, ce bout de sentier inconnu, ce
crépuscule tombant d’ un ciel couvert, et aussi la
solitude de ce coin de village… cependant, armé
d’ une de ces grandes résolutions subites, comme les
bébés les plus timides en prennent quelquefois, je
partis d’ un pas ferme…
puis, tout à coup, je m’ arrêtai glacé, frissonnant
de peur. Devant moi, quelque chose apparaissait,
quelque chose de sombre et de bruissant qui avait
surgi de tous les côtés en même temps et qui
semblait ne pas finir ; une étendue en mouvement qui
me donnait le vertige mortel… évidemment
c’ était
ça ;
pas une minute d’ hésitation, ni même
d’ étonnement que ce fût ainsi, non, rien que de
l’ épouvante ; je reconnaissais et je tremblais.
C’ était d’ un vert obscur presque noir ; ça
semblait instable, perfide, engloutissant ; ça
remuait et ça se démenait partout à la fois, avec
un air de méchanceté
inistre. Au-dessus, s’ étendait un ciel tout
d’ une pièce, d’ un gris foncé, comme un manteau
lourd.
Très loin, très loin seulement, à d’ inappréciables
profondeurs d’ horizon, on apercevait une déchirure,
un jour entre le ciel et les eaux, une longue fente
vide, d’ une claire pâleur jaune…
pour la reconnaître ainsi, la mer, l’ avais-je
déjà vue ?
Peut-être, inconsciemment, lorsque, vers l’ âge de
cinq ou six mois, on m’ avait emmené dans l’ île,
chez une grand’ tante, soeur de ma grand’ mère. Ou
bien avait-elle été si souvent regardée par mes
ancêtres marins, que j’ étais né ayant déjà dans la
tête un reflet confus de son immensité.
Nous restâmes un moment l’ un devant l’ autre,
moi fasciné par elle. Dès cette première entrevue
sans doute, j’ avais l’ insaisissable pressentiment
qu’ elle finirait un jour par me prendre, malgré
toutes mes hésitations, malgré toutes les volontés
qui essayeraient de me retenir… ce que j’ éprouvais
en sa présence était non seulement de la frayeur,
mais surtout une tristesse sans nom, une impression
de solitude désolée, d’ abandon, d’ exil… et je
repartis en courant, la figure très bouleversée, je
pense, et les cheveux tourmentés par le vent, avec

une hâte extrême d’ arriver auprès de ma mère, de
l’ embrasser, de me serrer contre elle ; de me faire
consoler de mille angoisses anticipées,
inexpressibles, qui m’ avaient étreint le coeur à la
vue de ces grandes étendues vertes et profondes. »

Pierre Loti (1850-1923). Le roman d’un enfant.

Source BNF/GALLICA

http://gallica.bnf.fr/

D’autres  textes de Pierre Loti accompagneront les articles sur Rochefort .

José-Maria de HEREDIA, Le bain

José-Maria de HEREDIA, Le bain dans Textes choisis 75-150x93

Le bain

 

L’homme et la bête, tels que le beau monstre antique,
Sont entrés dans la mer, et nus, libres, sans frein,
Parmi la brume d’or de l’âcre pulvérin,
Sur le ciel embrasé font un groupe athlétique.

 

Et l’étalon sauvage et le dompteur rustique,
Humant à pleins poumons l’odeur du sel marin,
Se plaisent à laisser sur la chair et le crin
Frémir le flot glacé de la rude Atlantique.

La houle s’enfle, court, se dresse comme un mur
Et déferle. Lui crie. Il hennit, et sa queue
En jets éblouissants fait rejaillir l’eau bleue ;

Et, les cheveux épars, s’effarant dans l’azur,
Ils opposent, cabrés, leur poitrail noir qui fume,
Au fouet échevelé de la fumante écume.

 

José-Maria de HEREDIA (1842-1905)

 

 

 

René Vivien. Roses du soir

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Roses du soir

Des roses sur la mer, des roses dans le soir,
Et toi qui viens de loin, les mains lourdes de roses !
J’aspire ta beauté. Le couchant fait pleuvoir
Ses fines cendres d’or et ses poussières roses…

Des roses sur la mer, des roses dans le soir.

Un songe évocateur tient mes paupières closes.
J’attends, ne sachant trop ce que j’attends en vain,
Devant la mer pareille aux boucliers d’airain,
Et te voici venue en m’apportant des roses…

Ô roses dans le ciel et le soir ! Ô mes roses !

Renée VIVIEN (1877-1909)

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