Verlaine. La soupe du soir.
La soupe du soir
A J. -K. Huysmans
Il fait nuit dans la chambre étroite et froide où l’homme
Vient de rentrer, couvert de neige, en blouse, et comme
Depuis trois jours il n’a pas prononcé deux mots
La femme a peur et fait des signes aux marmots.
Un seul lit, un bahut disloqué, quatre chaises,
Des rideaux jadis blancs conchiés des punaises,
Une table qui va s’écroulant d’un côté, –
Le tout navrant avec un air de saleté.
L’homme, grand front, grands yeux pleins d’une sombre flamme,
A vraiment des lueurs d’intelligence et d’âme
Et c’est ce qu’on appelle un solide garçon.
La femme, jeune encore, est belle à sa façon.
Mais la Misère a mis sur eux sa main funeste,
Et perdant par degrés rapides ce qui reste
En eux de tristement vénérable et d’humain,
Ce seront la femelle et le mâle, demain.
Tous se sont attablés pour manger de la soupe
Et du boeuf, et ce tas sordide forme un groupe
Dont l’ombre à l’infini s’allonge tout autour
De la chambre, la lampe étant sans abat-jour.
Les enfants sont petits et pâles, mais robustes
En dépit des maigreurs saillantes de leurs bustes
Qui disent les hivers passés sans feu souvent
Et les étés subis dans un air étouffant.
Non loin d’un vieux fusil rouillé qu’un clou supporte
Et que la lampe fait luire d’étrange sorte,
Quelqu’un qui chercherait longtemps dans ce retrait
Avec l’oeil d’un agent de police verrait
Empilés dans le fond de la boiteuse armoire
Quelques livres poudreux de « science » et « d’histoire »,
Et sous le matelas, cachés avec grand soin,
Des romans capiteux cornés à chaque coin.
Ils mangent cependant. L’homme, morne et farouche,
Porte la nourriture écoeurante à sa bouche
D’un air qui n’est rien moins nonobstant que soumis,
Et son eustache semble à d’autres soins promis.
La femme pense à quelque ancienne compagne,
Laquelle a tout, voiture et maison de campagne,
Tandis que les enfants, leurs poings dans leurs yeux clos,
Ronflant sur leur assiette imitent des sanglots.
P. Verlaine
Bonsoir
J’aime beaucoup Verlaine
Il fut un temps où je le lisais ainsi que Raimbaud et Baudelaire
J’aime bien Prévert aussi, mais c’est tout différent
Bonne soirée
Francine
Dernière publication sur Mes émotions : A cette enfant que j'étais °°°°°
Cet article me rappelle des souvenirs d’enfance, j’aime bien Verlaine, c’est un beau texte sur la misère.
Bonne soirée Santounette
Finalement, je te copie le poème auquel il me fait penser, tu pourras toujours l’effacer si c’est trop long !
Les Pauvres Gens
Il est nuit. La cabane est pauvre, mais bien close.
Le logis est plein d?ombre et l?on sent quelque chose
Qui rayonne à travers ce crépuscule obscur.
Des filets de pêcheur sont accrochés au mur.
Au fond, dans l?encoignure où quelque humble vaisselle
Aux planches d?un bahut vaguement étincelle,
On distingue un grand lit aux longs rideaux tombants.
Tout près, un matelas s?étend sur de vieux bancs,
Et cinq petits enfants, nid d?âmes, y sommeillent.
La haute cheminée où quelques flammes veillent
Rougit le plafond sombre, et, le front sur le lit,
Une femme à genoux prie, et songe, et pâlit.
C?est la mère. Elle est seule. Et dehors, blanc d?écume,
Au ciel, aux vents, aux rocs, à la nuit, à la brume,
Le sinistre océan jette son noir sanglot.
II
L?homme est en mer. Depuis l?enfance matelot,
Il livre au hasard sombre une rude bataille.
Pluie ou bourrasque, il faut qu?il sorte, il faut qu?il aille,
Car les petits enfants ont faim. Il part le soir
Quand l?eau profonde monte aux marches du musoir.
Il gouverne à lui seul sa barque à quatre voiles.
La femme est au logis, cousant les vieilles toiles,
Remmaillant les filets, préparant l?hameçon,
Surveillant l?âtre où bout la soupe de poisson,
Puis priant Dieu sitôt que les cinq enfants dorment.
Lui, seul, battu des flots qui toujours se reforment,
Il s?en va dans l?abîme et s?en va dans la nuit.
Dur labeur ! tout est noir, tout est froid ; rien ne luit.
Dans les brisants, parmi les lames en démence,
L?endroit bon à la pêche, et, sur la mer immense,
Le lieu mobile, obscur, capricieux, changeant,
Où se plaît le poisson aux nageoires d?argent,
Ce n?est qu?un point ; c?est grand deux fois comme la chambre.
Or, la nuit, dans l?ondée et la brume, en décembre,
Pour rencontrer ce point sur le désert mouvant,
Comme il faut calculer la marée et le vent !
Comme il faut combiner sûrement les man?uvres !
Les flots le long du bord glissent, vertes couleuvres ;
Le gouffre roule et tord ses plis démesurés,
Et fait râler d?horreur les agrès effarés.
Lui, songe à sa Jeannie au sein des mers glacées,
Et Jeannie en pleurant l?appelle ; et leurs pensées
Se croisent dans la nuit, divins oiseaux du c?ur.
Bonsoir Jacqueline !
Je ne connaissais pas ce texte de Verlaine ! On dirait du Victor Hugo… Merci deme l’avoir fait découvrir.
beau texte trés réaliste! merci pour ces beau poême, bon lundi avec des bisouxxx baveuxxx
Dernière publication sur spécial papatte : tout doux