Nuit de Neige, G. de Maupassant
Nuit de neige
La grande plaine est blanche, immobile et sans voix.
Pas un bruit, pas un son ; toute vie est éteinte.
Mais on entend parfois, comme une morne plainte,
Quelque chien sans abri qui hurle au coin d’un bois.
Plus de chansons dans l’air, sous nos pieds plus de chaumes.
L’hiver s’est abattu sur toute floraison ;
Des arbres dépouillés dressent à l’horizon
Leurs squelettes blanchis ainsi que des fantômes.
La lune est large et pâle et semble se hâter.
On dirait qu’elle a froid dans le grand ciel austère.
De son morne regard elle parcourt la terre,
Et, voyant tout désert, s’empresse à nous quitter.
Et froids tombent sur nous les rayons qu’elle darde,
Fantastiques lueurs qu’elle s’en va semant ;
Et la neige s’éclaire au loin, sinistrement,
Aux étranges reflets de la clarté blafarde.
Oh ! la terrible nuit pour les petits oiseaux !
Un vent glacé frissonne et court par les allées ;
Eux, n’ayant plus l’asile ombragé des berceaux,
Ne peuvent pas dormir sur leurs pattes gelées.
Dans les grands arbres nus que couvre le verglas
Ils sont là, tout tremblants, sans rien qui les protège ;
De leur oeil inquiet ils regardent la neige,
Attendant jusqu’au jour la nuit qui ne vient pas.
Guy de Maupassant
Hiver 2005/2006
Prends cette rose…..
Prends cette rose…..
Prends cette rose aimable comme toi
Qui sers de rose aux roses les plus belles,
Qui sers de fleurs aux fleurs les plus nouvelles,
Qui sers de Muse aux Muses et à moi.
Prends cette rose, et ensemble reçois
Dedans ton sein mon coeur qui n’a point d’ailes;
Il vit, blessé de cent playes cruelles,
Opiniâtre à garder trop sa foi.
La rose et moi différons d’une chose:
Un soleil voit naître et mourir la rose,
Mille soleils ont vu naître m’amour,
Qui ne se passe et jamais ne repose.
Que plût à Dieu que mon amour éclose
Comme une fleur ne m’eût duré qu’un jour!
Pierre de Ronsard