Pierre de Ronsard : Le vin d’Anjou
Le vin d’Anjou
… Comme on voit en Septembre ès tonneaux Angevins
Bouillir en écumant la jeunesse des vins,
Qui chaude en son berceau à toute force gronde
Et voudrait tout d’un coup sortir hors de sa bonde,
Ardente, impatiente, et n’a point de repos
De s’enfler, d’écumer, de jaillir à gros flots,
Tant que le froid Hiver lui ait dompté sa force,
Rembarrant sa puissance ès prisons d’une écorce;
Ainsi la Poésie en la jeune saison
Bouillonne dans nos coeurs, qui n’a soin de raison
Serve de l’appétit, et brusquement anime
D’un Poète gaillard la fureur magnanime;
Il devient amoureux, il suit les grands Seigneurs,
Il aime les faveurs, il cherche les honneurs,
Et plein de passions, en l’esprit ne repose
Que de nuit et de jour ardent il ne compose,
Soupçonneux, furieux, superbe et dédaigneux,
Et de lui seulement curieux et soigneux,
Se feignant quelque Dieu, tant la rage félonne
De son jeune désir son courage aiguillonne.
Mais quand trente-cinq ans ou quarante ont perdu
Le sang chaud qui était ès veines répandu,
Et que les cheveux blancs de peu à peu s’avancent,
Et que nos genoux froids à trembloter commencent,
Et que le front se ride en diverses façons,
Lors la Muse s’enfuit et nos belles chansons…
Pierre de Ronsard.
Je suis briarde par la naissance (les chiens qui ont les cheveux dans les yeux) un peu picarde, alsacienne, avec une grosse part de sang angevin.
Avec ce poème de Ronsard, je rends ici hommage à l’Anjou.
A consommer avec modération !!!